Pour les amateurs de radio rock classique, penser à Jethro Tull, c’est entrer dans un flou notoire où l’on parle de folk-rock à propos d’un tube avec une grosse guitare heavy (Locomotive Breath) et de flûte classique pour un titre qui ne s’en sert que comme motif (Bourée). Alors, plus simplement, le groupe de Ian Anderson évolue constamment de 1967 à aujourd’hui, passant par toutes les étapes connues : du blues au progressif, en passant par le folk, le hard, la musique électronique et les tentatives de rapprochement classique et pop. Un peu de lumière sur cela.
Pas simple en 1967, de monter un groupe pour des musiciens qui n’habitent pas Londres et sont à la merci d’un manager qui leur change de nom à chaque apparition dans un club. Un jour, un lettré leur sort le nom de l’agronome britton inventeur de semoir – et ils le gardent. La formation est composée de Mick Abrahams à la guitare, Ian Anderson : guitare, flûte, harmonica et claviers ; Glenn Cormick basse et harmonica et Clive Bunker, batterie. Elle dure deux ans, le temps qu’ils signent avec Chrysalis et sortent l’album This Was. Le son est grandement inspiré du blues boom et c’est le single »My Friend Jeff » qui les fait inviter par Jagger au Rolling Stones rock’n’roll Circus. Mécontent du son, Mick Abrahams part fonder Blodwyn Pig. Le futur guitariste de Black Sabbath Tommy Iommi prend les cordes un moment, avant d’être remplacé par Martin Barre, membre le plus stable du groupe avec Anderson depuis. On note déjà les structures de chanson hyper-complexes créées par Anderson et Barre entre classique et rock, folk et plein d’autres registres. Stand Up en 1969 et Benefit en 70 montrent un départ vers le rock progressif joué à l’époque par Yes et Emerson Lake & Palmer. Le titre « We Used to know » est le modèle avoué du millionnaire « Hotel California » des Eagles, climat glauque est emprunts jazz. Prestation immense au festival de Wight en 1970 devant 600 000 spectateurs aux côtés d’Hendrix et Miles Davis. John Evan rejoint le groupe aux claviers et le batteur est remplacé par Barrimore Barlow, le bassiste devient Jeffrye Hammond Hammond.
Mais c’est l’arrivée d’Aqualung en 1971 qui va mettre tout le monde d’accord et donner ses marques au groupe qui joue d’une grande théâtralité scénique avec ses deux tubes, le titre éponyme et Locomotive Breath qui vont envahir les charts : les passages acoustiques alternent avec une grosse guitare et sont soutenus par des intermèdes de voix d’Anderson et de sa flûte.
Thick as a Brick, en 1972 effarouche au premier abord. Constitué d’un seul titre, construit comme un morceau de musique classique et d’intermèdes plus pop mélodiques. Et pour calmer le jeu le label sort une compilation regroupant morceaux inédits et singles de la première période, « Living in the Past » où l’on trouve un live de 10 ‘ de « Dharma for one », le meilleur d’un son pas très éloigné des premiers Led Zeppelin. Et le groupe joue alors dans des stades, étant une des meilleures attractions scéniques anglaises, alternant grandes jam et moments de reprises des titres connus du groupe.
Les périodes s’enchainent avec des va-et-vient et des succès divers, de Passion Play à War Child (1974), Minstrel in the Gallery (1975), Too Old to Rock 'n' Roll: Too Young to Die! (1976), et une trilogie folk avec un membre de Steelye Span et le bassiste de Fairport Convention, groupe folk-rock de référence en GB : Songs from the Wood (1977), Heavy Horses (1978) et Stormwatch (1979) qui forment la fin d’un cycle. Dégoûté anderson enregistre un album solo, mais devant la demande du label reforme le groupe pour l’album A (pour Anderson !) en 1980.
ElectroTull, hardoTull et folkTull
Et au tournant des 80’s, le Tull surprend tout le monde en enregistrant deux albums électroniques avec Eddie Jobson, ex-Roxy Music, puis The Broadsword and the Beast sorti en 1982, qui précède Under Wraps. Mais le succès est loin d’être au rendez-vous et, après la sortie Anderson perd sa voix et doit arrêter 3 ans … Crest of a Knave arrive en 1987 et marque un regain de succès avec un son très hard, il gagne même un Grammy Award devant… Metallica ! 1988 récupère les billes de la carrière précédente avec 20 Years of Jethro Tull. Depuis 1992 et A Little Light Music, le groupe a repris un versant moins hard, plus folk et acoustique, le Tull a gardé un public de fidèles qui viennent entendre les nouvelles versions réarrangées d’anciens titres. Le catalogue est là, qui reste marquant. Se succèderont Roots to branches (1995), Dot Com (1999), The Christmas Album (2003) et de nombreux albums Live.Et Anderson qui joue toujours beaucoup de flûte, a retrouvé sa voix d’airain d’antan.
Je vous ai choisi un morceau de 1995 Beside Myself, mais je vous invite à découvrir
Budapest,
Locomotive breath,
Aqualung,
Heavy horses,
Black sunday ou bien d'autres.